Lucrèce l'assoiffée...

Alors que le soleil tapait fort sur les cheveux dorés de Lucrèce, qui buvait et se mouvait dans la piscine de son jardin, une énorme forme obscurcit le ciel. La fillete leva la tête, furieuse et vit alors le ventre ocre d'un dragon... Lucrèce n'avait pas l'habitude d'hurler ni d'exposer ses sentiments à tout le monde. Mais ce matin-là, elle fut un peu effrayée. D'où venait cette bête et surtout, pourquoi se posait-elle dans son jardin ? Lucrèce se cacha sous l'eau, dans laquelle elle resta plusieurs minutes.

Mais quand elle vit une langue rouge entrer dans son élément, si près de son corps, elle jaillit de l'eau et hurla. Le dragon se recula de quelques mètres et cracha du feu. Lucrèce se calma et sauta hors de l'eau.

*Que me veut-il ?*

Elle se sécha et grimpa au dernier étage, entra dans la chambre rose où sa mère subissait l'arrivée d'un bébé... Tout le monde était en attente, transpirait d'impatience, son père surtout étit exalté. Mais personne ne remarqua son corps maigre pénétrer dans la pièce.

"Un dragon attend dans le jardin" marmonna-t-elle.

Le docteur, ici présent, était un moldu, et Lucrèce le savait parfaitement. Louis se tourna vers elle, un masque réjoui embruni par un masque de colère affiché sur son visage. Il se cacha la tête dans ses mains et fit signe à sa fille de se taire car le médecin avait entendu.

"Quoi ? Un dragon ?" demanda-t-il en relevant la tête.

"Oubliettes !" s'exclama Louis, affolé.

Le médecin perdit la mémoire, le sortilège de son père ayant été beaucoup trop fort. Il ne se souvint plus de son métier et demanda quel problème avait cette femme. Louis fit sortir sa fille de la chambre et lui assena une raclée monumentale. Jamais son père ne battait Lucrèce, c'était la toute première fois.

"Il y a un dragon dans le jardin, il boit mon eau !"

"L'eau de cette piscine n'est pas ton eau !"

Il agrippa le bras frêle de Lucrèce et se dirigea vers le jardin. Le dragon attendait sagement qu'on lui fasse faire son trajet.

"Tu n'as donc pas compris, ma fille ? Il est chargé de te mener à Elementia ! Prépare tes malles et va-t-en !"

Lucrèce ricana et remonta à vive allure dans sa chambre. Deux heures plus tard, elle escalada la plate-forme et installa ses malles derrière elle. Le dragon s'apprétait à partir lorsqu'elle sauta du haut de son dos directement dans la piscine. Imprégnée de son élément, après avoir bu deux litres d'eau, elle remonta et donna un vif coup de pied à l'animal.

Le voyage fut très court et Lucrèce ne cessait de crier au dragon d'accélérer, car elle était en manque d'eau. La fillette était persuadée qu'à l'arrivée, une de ses crises se déclencherait...

"Ce sera de ta faute ! Sale bête !"

Au bout d'une très courte heure, le dragon de la fillette se posa au sol. Lucrèce sauta et chercha de l'eau des yeux. Ele avait soif ! Elle devait trouver de l'eau !

"A boire ! A BOIRE !!! Au secours !"

Lucrèce n'en pouvait plus. Il lui arrivait souvent de partir dans des crises de folie quand elle avait si soif, la potomanie était une véritable poisse... Mais elle aimait souffrir, elle aimait cette horreur qui lui rendait la vie dure. Après tout, l'eau était son élément, elle l'adorait comme personne n'eût aimé un ami. Lucrèce pouvait passer ses nuits dans l'eau, plusieurs minutes à boire sans s'arrêter...
A ce moment là, une de ses crises allait se déclencher, du moment qu'elle trouvait de l'eau ! Mais il n'y en avait nulle part ! Un endroit sans eau, c'était invraisemblable pour Lucrèce... Comment pouvait-on s'en passer ? Elle était désespéré. Son visage normalement si fier et si hautain était plein de désespoir... Alors qu'elle allait s'effondrer, elle vit un corps flou s'avancer vers elle... Lucrèce ne supportait pas qu'on la voie lors d'une de ses crises. Elle y perdait tous ses moyens et ne voulait surtout pas qu'on la sache capable de perdre sa superbe...
Elle regarda la silouhette de l'homme de son regard toujours si noir, sans pouvoir éprouver la moindre émotion.

*Que me veut-il ? Qu'il s'en aille !*

Elle se rendit alors compte que l'homme lui parlait. Elle entendit des bouts de phrases, le tout formant, à la fin : " ...présume...nouvelle... Nathan... directeur... métamorphose... te nommes-tu..." Elle leva vers lui un regard éploré. Lucrèce s'était décidé à demander de l'aide.Jamais au grand jamais elle n'avait manqué d'eau à ce point. Peut-être que cet homme ne lui voulait que du bien ! Mais elle ne connaissait personne capable de l'aimer, de la chérir ou de la protéger. Aux yeux de la fillette, c'était totalement impossible et elle était consciente qu'on pouvait éprouver du dégoût à son égard. Elle se trouvait aussi dégoûtante et folle que son père le disait. Elle fixa ses deux yeux sombres autour de la tête floue de l'homme.

"A boire... Je vous en supplie..."

Elle ne pouvait dire que cela. Lucrèce était quelqu'un qui se moquait totalement de la politesse. Ce qui la préoccupait à cet instant là était de boire ou de trouver de l'eau. le mieux aurait été de se baigner. Songer à une piscine ou à un vaste lac l'apaisa un instant mais comptait toujours sur l'homme.

"Je vous en supplie..." répéta-t-elle.

Il lui était totalement impossible de prononcer son nom. Sûrement que l'adulte allait trouver odieux de sa part de ne pas se présenter, ou même de ne pas dire bonjour...

Lucrèce aurait bien pu comprendre qu'il n'était pas donné à n'importe qui de déceler l'horreur de que pouvait vivre la petite Lehatier en un tel moment... Mais elle était loin de pouvoir l'imaginer. Pour elle, tout le monde devait s'accorder à ses pensées : la peuve, ses parents avaient le même point de vue que Lucrèce qu'elle-même, elle était folle. Pour la fillette, tout le monde pouvait comprendre tout le monde, et surtout elle.

En l'occurence, cet homme ne comprenait rien à rien. A première vue, car il y eut un long moment où rien ne se produisit. Peut-être qu'il réfléchissait et peut-être qu'il comprit justement le besoin que Lucrèce avait de cette eau. Elle était incpable de penser quoi que ce fut... Lorsqu'une bouteille d'eau apparaut dans la main de l'homme, elle l'empoigna d'une main ferme, dévissa le bouchon qui tomba sur le sol poussiéreux et elle but, but à grandes goulées...

La sensation que Lucrèce avait dans ces moments là est inénarrable... Rien n'est meilleur, rien n'est plus beau que le bonheur de se sentir envahie par de l'eau, par son élément, par cette chose indescriptible qui coulerait presque dans les veines de la fillette amoureuse et admiratrice de toutes les créatures ayant le pouvoir d'y vivre continuellement...

Evidemment, la bouteille était minuscule pour Lucrèce et jamais elle ne s'en serait contenté ! Elle en murmura plus, elle en supplia plus, elle voulut de l'eau ! Elle ne faisait que marmonner à la silouhette de l'homme qu'elle distinguait un peu mieux en face d'elle qu'elle voulait boire, boire encore plus...

*Jamais il ne comprendra ! Personne ne peut me comprendre !* hurlait-elle intérieurement.

"Je vous en supplie... Plus... Je dois boire... Je dois m'emplir d'eau... S'il vous plaît..."

Lucrèce se tenait faiblement debout. En général, lors de ses crises de potomanie, elle s'effondrait et ne pouvait résister longtemps sur ses deux frêles jambes. Mais là, pour la première fois où elle se trouvait en un lieu totalement inconnu, elle eut la décence de rester debout, de forcer ses jambes à tenir le coup. Et puis surtout, cet homme l'avait vue en état de défaillance, elle ne pouvait qu'en profiter et continuer, pour avoir du courage en arrivant à l'école...

La deuxième fois qu'il parla, Lucrèce l'entendit totalement mais il ne donnait toujours pas d'eau ! Pour le punir, elle ne marmonna que quelques mots indistincts. Elle essaya de se redresser de toute sa hauteur, car elle était très grande, mais elle sentit que ses jambes n'allaient pas tenir le coup. Se contentant d'être un peu voutée, elle dit de son regard sombre, essayant de faire apparaître son habituelle assurance dans sa voix :

"Je suis Lucrèce Lehatier d'Almin et je..."

Elle ne pouvait répondre entièrement à l'homme, il lui avait demandé si c'était le trajet jusqu'ici qui l'avait ainsi fatiguée... Que pouvait-elle répondre ? Surtout qu'elle n'avait pas l'habitude de raconter sa minable existence à n'importe qui (même aux autres d'ailleurs, à personne jamais, elle n'avait confié quoi que ce soit, l'eau lui suffisait comme amie). Lucrèce allait-elle dire à cet homme : "Je fais des crises de potomanie, l'eau est ma vie. Si par malheur un jour, je me retrouve sans elle, sans mon unique amie, je pourrais mourir plutot qu'apprendre à vivre sans nager et sans boire. Personne ne peut me comprendre et sûrement pas vous, très cher Monsieur". C'était évidemment impossible, Lucrèce n'en avait ni la force, ni l'envie. Elle ne se gênait jamais pour dire ce qu'elle pensait mais parfois, lorsque cela la touchait, elle, elle préférait se taire.

Elle répondit simplement :

"Non, je dois boire..."

Le professeur Griffin avait parfaitement raison, l'eau était une drogue pour Lucrèce. Sa gorge était sèche, sèche comme jamais, elle se sentait presque mourante... Tenant à peine sur ses jambes flageolantes, elle vit de ses yeux sombres que l'homme avait fait apparaître deux énormes bouteilles d'eau... Lucrèce ne cru pas à son bonheur... C'était merveilleux ! Elle eut même la force de murmurer :

"Merci..."

Mais elle ne perdit pas de temps et se jeta sur la première bouteille, le bouchon sautant de lui-même, comme pour fuir les yeux avides de la fillette. Moins d'une minute plus tard, les deux litres avaient disparu... Cela aurait suffit, en temps normal, à apaiser la soif de la fillette mais alors qu'elle était en pleine crise, il lui en fallait plus et la deuxième bouteille était là pour ça... Elle la vida en une minute également. Evidemment, son ventre s'était arrondit comme celui d'une femme enceinte, au fur et à mesure qu'elle buvait. Cela aurait pu effrayer n'importe qui, qu'une petite fille devienne si ronde en si peu de temps, mais Lucrèce se moquait totalement de la réaction de l'homme, elle préférait se consacrer entièrement à la délectation de son eau...

Son corps ne reprenait, en général, sa forme normale, qu'une heure plus tard. Cette apparence amusait beaucoup Lucrèce. Lorsqu'elle fut rassasiée, elle se redressa et réussit à esquisser un sourire, même si elle en voulait à l'homme (dont elle distinguait à présent parfaitement les traits) de ne pas lui avoir donné à boire plus tôt. Comme le visage de l'adulte ne semblait pas content, elle répéta son nom et sa maison. Bien sûr, elle ne se souvenait pas que lui-même s'était déjà présenté, et eu la "délicatesse" de lui redemander, comme s'il avait été impoli de ne pas le faire.

"Ce n'est pas de ma faute si ce dragon a mis tant de temps à arriver à destination, Monsieur." répondit-elle d'un ton sec, lorsqu'il lui dit qu'ils devraient se dépécher. Même si le professeur Griffin n'avait pas voulu être contraignant...

*J'aurais pu mourir sous ses yeux qu'il n'aurait pas réagit plus tôt*

(Post suite dans la forêt Une incongrue à Elémentia^^)